Pour me mériter en tant que pire ennemi, le mien fait attention à tout ce qu’il mange. Son repas est essentiellement constitué de chicorée, de laitue frisée rouge et de noix de pin. Au déjeuner il se fait un yaourt et le soir il équeute un rat trouvé dans les bas-fonds du quartier où il erre, rat dont il ne mange que le maigre. La silhouette de mon ennemi est parfaite puisqu’il ne commet aucun abus alimentaire. Il se devine à l’instinct, car il est en perpétuelle errance. Il a une idée sordide de sa face: les seules fois où il s’abaisse pour se regarder dans des flaques après la pluie, il se voit rouge, noirci, luisant et turquoise à cause des huiles échappées des engins des motards, bariolant son visage d’arcs-en-ciel combatifs et puissants.